samedi 13 février 2010

Courriel de soutien d'une collègue

Chers amis,

Vous savez que, lassée de l'agressivité du Proviseur, de ses propos sexistes et à la suite d'un courrier à moi adressé par lui, pour lequel je m'apprêtais à porter plainte auprès de la haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité, j'ai obtenu une audience à la Direction des Ressources Humaines au rectorat en mai 2008.

Depuis, je suis en disponibilité, sans salaire et sans retraite, c'est la seule solution que j'ai trouvée à ce moment pour me reconstruire après cinq années passées au LP Alfred Costes. Nous avons vu des collègues déplacés après qu'ils se sont plaint des propos racistes du proviseur, propos contre lesquels vous vous étiez mis en grève, nous avons vu des collègues harcelés, détruits, nous avons vu d'autres renvoyés dans leurs pénates, d'autres encore expédiés à l'autre bout de la Seine et Marne, nous avons vu nos collègues pleurer dans la cour, nous avons été agressés dans la salle des professeurs, humiliés devant les parents lors de la remise des prix, nous avons vu passer quatre proviseurs adjoints dont au moins deux ont fui de toute urgence une situation intenable de violence, d'incompétence. Nous avons tenté de protéger nos élèves de manipulations odieuses, nous avons réussi à protéger de très bons élèves menacés d'expulsion par l'arbitraire d'une administration vengeresse, nous avons, nous avons...

Et vous êtes encore là, aujourd'hui, debout, courageux.

Je mesure tout le courage dont vous faites preuve. Je mesure la difficulté que vous devez avoir, chaque jour, à vous rendre dans un tel lieu, où rien ne vous garantit contre une attaque soudaine et injustifiée. Je mesure à quel point vous exercez votre métier dans la douleur. Je mesure la chance que j'ai de pouvoir m'investir dans autre chose pour oublier, et pourtant, je ne parviens pas à oublier, car une telle
violence est inconcevable dans un espace où nous recevons des jeunes à qui la société entière reproche en permanence une violence souvent rêvée.

Nous connaissons des élèves insupportables, mais nous connaissons aussi des jeunes, encore des enfants, qui ont des rêves, qui croient en nous, en vous aujourd'hui, des poètes timides, des musiciens cachés, des mécaniciens hors pair, des animateurs formidables, des lecteurs insatiables à qui vous/nous offrons des livres sur nos deniers. Nous connaissons des amateurs de musée que vous emmenez au Louvre même si vos sorties sont brutalement annulées par des incultes, Nous connaissons des footballeurs géniaux, des petits malins qui se dégonflent tellement vite, des responsables de leur mère femme seule, des qui ont quitté leur famille à l'autre bout du monde pour être
parmi nous et tenter de sortir toute leur famille du lot.

Nous ne pouvons pas croire que l'administration centrale ne sache pas, après tous les courriers, après toutes les demandes d'audience, après toutes les grèves, après toutes les plaintes formulées, après toutes les dépressions avérées, qu'il est urgent de changer le cap dans cet établissement.

Je crois qu'il existe des chefs d'établissement soucieux de leur équipe, je connais des chefs d'établissement qui seraient ravis d'avoir une équipe comme la vôtre et croyez bien que s'il ne s'était pas agi pour moi de sauver ma peau face à une situation aussi folle, j'aurais eu plaisir à rester parmi vous car vous êtes de merveilleux professeurs et de beaux pédagogues.

Cordialement,
Gerty Dambury
Professeur d'anglais en disponibilité,
auteur/metteur en scène.